_____Le levé n'avait pas été si long et difficile. Comme à mon habitude, mon réveil avait sonné aux environs de six heures, sauf que, par un oubli de ma part, nous étions samedi et je n'avais pas cours. Je n'avais cependant pas le courage de me recoucher parce que j'étais tout de même en pleine forme, du coup, je sortis de mon lit, rabaissai ma couette sur le drap lissé et courut vers la fenêtre pour profiter de l'air frais du petit matin. Après quelques minutes de songes, je rejoignis la salle de bain où je me décidai à prendre un long bain en attendant que les autres se réveillent. Je mis un bon litre de mousse et entrai dans la baignoire. Je me couchai presque et m'appuyai sur les bords. Je fermai les yeux et m'évaporai dans des pensées très profondes.

Je restai comme cela presque une heure entière, mais quand je sentis que le bout de mes doigts devenaient tout râpeux, je me décidai à sortir. Je m'enveloppai dans une serviette bien douce et essuyai du revers de la main le miroir plein de buée. Je me regardai à l'intérieur, me souris et convaincue, je sortis de la salle de bain et rejoignis ma chambre. En pénétrant à l'intérieur, un souffle d'air me fouetta et je me souvins que ma fenêtre était ouverte, je la fermai donc et ouvris au passage mon armoire bien remplie. Qu'allais-je porter aujourd'hui ? Je mis un bustier blanc, un chemisier bleu turquoise par dessus, et jean slim blanc. J'attachai les pans de ma chemise et mis une ceinture par dessus. Fière de moi, j'allai me maquiller, me sécher les cheveux et mettre mes bijoux. Après un trait de crayon sous chaque oeil, un brushing bien mérité et ma montre au poignet, je sortis de ma chambre, des bottes à talons aux pieds et un sac à la main. Personne n'était encore réveillé, il n'était que huit heures moins le quart après tout. Du coup, je pris ma guitare dans le salon et me décidai à faire un petit tour du côté de l'Angleterre.

J'arrivai au Harvard Hall alors que le soleil amorçait sa montée. Avec le décalage horaire, il serait treize heures de l'après-midi à Cambridge UK. J'ouvris donc la porte du H.H avec ma carte d'étudiant, et passai la porte. La sensation était toujours la même, ce triomphe et ce bonheur qui m'envahissaient à chaque fois que je traversais. J'arrivai donc au Senate House. Toute heureuse, je rencontrai le gardien du côté anglais, je le saluai dans mon anglais américain parfait et sortis. A l'extérieur, le soleil rare brillait de milles feux. J'étais contente, j'avais choisi le bon jour. Je me décidai à me rendre au théâtre, après tout, j'avais pris ma guitare pour ça. Je marchai avec un entrain propre à moi alors que les Cambridgiens me regardaient d'un mauvais œil. Finalement j'arrivai au bâtiment. Pensant trouver William, en ouvrant la porte, je ne découvris qu'une silhouette menue assise sur un siège rouge de la salle. Je souris quand elle sursauta alors que la porte se refermait dans un bruit atroce. J'attirai son attention par un raclage de gorge et dis ;

« Excuse moi ! Je ne voulais pas te déranger, je pensais que la salle serait vide à cette heure là.

Je m'attendais sûrement à ce qu'elle me demande l'heure, parce que je soulevai mon bras et regardai ma montre, par un petit mouvement du crochet, l'heure de Cambridge MA se changea en celle de Cambridge UK et je pus donc voir l'heure locale correcte et exacte.

_____Je finis par abaisser le bras et par retirer la guitare de mon dos. Je la pris à la main et remontai mon sac à main sur mon épaule droite pour empêcher qu'il ne glisse sur le sol. Je regardai attentivement mon interlocutrice. Avant que je ne l'interrompe, il me semblait qu'elle dessinait parce que j'avais de nombreux amis qui le faisaient et que je reconnaissais donc parmi milles les vrais artistes. Elle avait cette main délicate et gracieuse qui traçait des traits plus droit qu'une règle, et ce visage perdu quand elle créait. J'étais heureuse d'être tombée sur une personne telle qu'elle. Je m'avançai vers elle en descendant les escaliers quand elle se présenta à moi.

« Je m'appelle Leah. Et toi ? »

Je fus surprise par ses sublimes yeux pétillants et légèrement orangés avec un arc marron tout autour ... Elle devait sûrement faire chavirer bien des cœurs quand elle s'exposait aux autres. Je finis par arriver au rang de chaises rouges où elle était assise, et je posais donc ma guitare contre un des sièges et mon sac sur l'un d'eux. Je m'approchai d'elle et tendis ma main en répondant à mon tour ;

« Enchantée Leah ... Moi c'est Lilween Walker. Si tu ne t'en étais pas rendue compte, je viens d'Harvard, et je suis tombée amoureuse de tes yeux, ils sont fantastiques ... »

Je lui souris en espérant que cette remarque ne l'embêterait pas. Je n'étais pas du tout homosexuelle, bien loin de là, mais j'appréciais simplement ses yeux qui étaient tellement particuliers et hypnotisant. Je finis par m'asseoir dans les escaliers à côté d'elle et attrapais ma guitare qui n'attendait que d'être sortie. J'ouvrais doucement la housse quand je repris la parole tentant de rompre le silence ;

« Tu dessines depuis longtemps ? J'ai de nombreux amis qui pratiquent cette passion depuis longtemps et j'aime les regarder dessiner ... »

Je lui souris, prenant de l'assurance. Après tout, pourquoi avoir peur d'une jeune femme aussi sympathique qu'elle. Tout le monde n'était pas comme une certaine Kay Spencer qui ne tentait que des approches séductrices envers les hommes. Ma guitare sortie, je la posai sur mes genoux et attendis une réponse de sa part.

_____Mes yeux restèrent baissés un instant comme si j'étais gênée mais je ne l'étais pas vraiment à vrai dire. Mon regard rivé sur les cordes de ma guitare, et mes doigts bougeant sans toucher les cordes à environ cinq centimètres de la guitare, montrait tout de même une certaine impatience que j'avais du mal à contenir en moi. Elle était tellement concentrée sur son dessin, que je me demandai si elle m'avait entendue, mais quand elle passa finalement ses doigts sur son dessin et qu'elle finit par se tourner vers moi pour me voir, elle répondit ;

« Oui, depuis que je suis toute petite .. Je dessine. A moi aussi, c'est ma passion à qui je tiens beaucoup, aujourd'hui. Dessiner a fait que je puisse oublier ou faire de nombreuses choses pour me sentir mieux. D'ailleurs, voilà le dessin que j'étais en train de commencer. C'est un croquis encore. Il reste pas mal de choses à faire. »
« Je suis contente de te l'entendre dire ! Tout le monde a sa passion. Moi elle est pour la musique, mais aussi pour la photographie et la danse. J'ai toujours aimé avoir beaucoup d'activité et aujourd'hui je ne regrette pas d'en avoir appris autant. »

Je tendis le bras pour attraper le dessin de Leah et embarquai ma guitare par le manche pour m'asseoir à quelque siège de mon interlocutrice. Je regardai attentivement le dessin. C'était une jeune femme, à la taille bien ajustée. Elle était fine et portait une magnifique robe de dentelle. Elle était blanche et ornée de petites broderies. Leah n'avait sûrement pas encore pensé aux couleurs, mais je trouvai son œuvre vraiment magnifique et réussi. Je comptai bien le lui dire. De ce fait, je relevai la tête, lui souris et répondis d'une voix chantante et radieuse ;

« C'est vraiment magnifique. Tu es fait des études de stylisme n'est-ce pas ? Parce que si c'est le cas, je pense que ta ligne de vêtement ferait un tabac surtout pour des mariages ! Dentelles, broderies et pureté ! »

Je lui souriais toujours, examinant chacun des traits de son visage. De temps en temps, j'avais l'impression qu'elle se tordait de douleur, mais si c'était le cas, elle le cachait vraiment très bien, parce qu'elle ne criait pas, ou ne gémissait pas. Elle avait quelque chose de très fort qui l'empêchait de ressentir la douleur dans toute son importance. Dans tous les cas, j'admirai toujours ses yeux et son regard pétillant de vie. Elle avait quelque chose que d'autres n'avaient pas. Je ne savais pas vraiment quoi, mais je le découvrirai peut-être un jour. Me rasseyant sur le sol des escaliers, je mis ma guitare sur mes jambes et entamai silencieusement une suite d'arpèges alors que Leah semblait pensive.

Finalement, je m'interrompis. Elle m'avait répondu, de ce fait, je repris sur le même élan, la conversation, et me lançai dans un interrogatoire assez poussé, sans trop l'être parce que je n'aimais pas abordé la vie privée des gens sans avoir leur consentement. Je posai ma guitare contre un siège rouge, m'assis à côté de Leah, cette fois-ci, et commençai à dire tout ce qui me passait par la tête ;

« Tu vis à Cambridge même ? Est-ce que tu as toujours rêvé de venir étudier ici ? Tu connais beaucoup de personnes ? Aimes-tu passer la porte ? Comment trouves-tu Cambridge MA et Harvard ? »

Je ne m'arrêtai plus. Le flot de paroles sortait sans que je ne puisse le contrôler complètement. Je m'étonnai moi même de parler autant, et tout cela me donnait soif, mais je n'abandonnai pas là et attendis toutes les réponses qu'elle pouvait me donner qu'elles soient positives ou négatives.